Le système des filières A à D au Cameroun : un modèle dépassé ?

La question de l’obsolescence des filières A à D dans le système éducatif camerounais invite à une analyse rigoureuse, étayée par des sources fiables. Ces filières, qui divisent les élèves en branches spécifiques dès le secondaire (A pour les littéraires, B pour les économiques, C pour les scientifiques purs, et D pour les scientifiques appliqués), doivent être examinées à l’aune de leur efficacité actuelle et de leur adaptation aux besoins du marché du travail.

1. Le système des filières : une pertinence historique

Le système de filières camerounais, comme le souligne le Rapport d’État du Système Éducatif National Camerounais (RESEN), a été conçu pour « offrir une spécialisation précoce afin d’orienter les élèves vers des parcours académiques et professionnels bien définis ». À sa création, il répondait aux besoins d’une économie en développement, où les métiers et carrières étaient souvent rigides et bien définis.

2. Un modèle inadapté au monde contemporain

Cependant, ce modèle montre aujourd’hui ses limites. Le même rapport souligne des « disparités dans la qualité de l’enseignement et une inadéquation croissante entre les formations proposées et les besoins du marché du travail ».
Le système des filières camerounaises, particulièrement les filières littéraires et économiques (A et B), souffre d’une inadéquation notable avec les besoins du marché de l’emploi. Selon une étude de la Banque mondiale, le taux de chômage chez les diplômés de l’enseignement supérieur au Cameroun atteint 14,8 %, contre seulement 3 % chez les non-diplômés. Ces chiffres révèlent une saturation des secteurs littéraires et économiques, sur-représentés dans les chiffres du chômage.

De plus, la Banque mondiale, dans son analyse sur la qualité de l’éducation au Cameroun, note que « les formations techniques et scientifiques, pourtant essentielles pour le développement économique, souffrent d’un manque d’attractivité ». Ce déséquilibre nuit à l'employabilité et limite les perspectives d'innovation dans des secteurs clés comme l'énergie, la santé ou la technologie.
Ces constats indiquent que le système des filières, bien qu’utile dans un contexte historique, est de plus en plus en décalage avec les exigences actuelles d’un marché globalisé et flexible.

3. Comparaison avec d’autres modèles éducatifs

3.1 Exemple africain : le Ghana

Le Ghana a introduit le programme "Free Senior High School" en 2017, qui a permis d'élargir l'accès à l'éducation secondaire tout en encourageant une diversification des filières. Cette réforme inclut des cursus axés sur les STEM (science, technologie, ingénierie et mathématiques), répondant directement aux besoins du marché de l’emploi. Les résultats montrent une réduction notable du chômage des jeunes et une augmentation de la compétitivité de la main-d’œuvre ghanéenne, ce qui attire davantage d’investissements étrangers.

3.2 Exemple européen : la Finlande

En Finlande, le système éducatif encourage une approche basée sur les compétences transversales. Les élèves ne sont pas cloisonnés dans des filières rigides mais suivent un parcours général jusqu’à un âge avancé, leur permettant d’explorer divers champs disciplinaires avant de se spécialiser. Cette flexibilité a permis de réduire le chômage des jeunes et d’améliorer l’adéquation entre les compétences acquises et les exigences du marché du travail.

4. Un système en quête de réforme

Des initiatives récentes, comme le Programme d'Appui à la Réforme de l'Éducation au Cameroun (PAREC), montrent une volonté de moderniser le système éducatif. Bien que ce programme ne cible pas directement les filières A à D, il reflète une prise de conscience des autorités éducatives. Le PAREC met en avant « l’importance d’intégrer des compétences numériques et transversales dans les curricula pour répondre aux attentes du XXIe siècle ».

Les expériences d'autres pays montrent que des réformes éducatives adaptées peuvent avoir des impacts mesurables :

  • Réduction du chômage : Une diversification des filières, en favorisant les STEM et les formations techniques, permet d’aligner les compétences des diplômés avec les besoins du marché.

  • Compétitivité salariale : Une main-d’œuvre formée pour des secteurs en croissance attire des entreprises internationales et favorise l’émergence de PME innovantes.

  • Croissance économique : Des réformes éducatives orientées vers l’innovation et la technologie contribuent directement à une économie plus dynamique.

Conclusion

La nécessité d’adapter le système des filières A à D au Cameroun apparaît clairement à travers l’analyse de son efficacité actuelle et de son adéquation avec les réalités du marché du travail. Bien qu’historiquement conçu pour répondre aux besoins d’une économie en développement, ce modèle montre aujourd’hui des limites significatives face à un monde globalisé et en constante évolution. Les exemples internationaux, tels que le Ghana et la Finlande, mettent en lumière des solutions concrètes pour diversifier les parcours éducatifs, renforcer les compétences transversales et aligner l’offre éducative sur les besoins économiques.

La modernisation de ce système pourrait réduire le chômage des jeunes diplômés, améliorer la compétitivité de la main-d’œuvre et stimuler la croissance économique. Les réformes éducatives, tout en respectant les spécificités culturelles et économiques du Cameroun, devraient s’inspirer des modèles réussis en Afrique et ailleurs, en intégrant des filières adaptées aux exigences actuelles du marché et des formations tournées vers l’innovation et la technologie. Ainsi, une éducation réformée deviendrait un véritable levier pour le développement durable du pays.

Références

  1. World Bank. (2003). Rapport d’État du Système Éducatif National Camerounais (RESEN). Washington, DC: Banque Mondiale.

  2. World Bank. (2012). Better Governance: Improving Education Outcomes Through Better Governance in Cameroon. Washington, DC: Banque Mondiale.

  3. Sikafinance. (2023). Cameroun : Le taux de chômage des jeunes diplômés est 5 fois plus élevé que celui des non-scolarisés. Sikafinance.

  4. Karib Afrik. (2023). Rentrée scolaire en Afrique : Innovations, Défis et Réformes dans l'Éducation.

  5. Programme d’Appui à la Réforme de l’Éducation au Cameroun (PAREC). (2018). Présentation du PAREC.

Suivant
Suivant

32 milliards de FCFA pour réformer l’éducation au Cameroun